Andersson vs Portisch et Andersson vs Stein

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Ulf Andersson

En bref

Les grandes parties du passé par Georges Bertola. La popularité du GM Ulf Andersson c’est d’abord son côté « Magicien des finales ». Pourtant, si la réputation de grand stratège, de finaliste hors pair, du champion suédois était justifiée, il pouvait se montrer redoutable tacticien.

Le 27 juin 2022 Ulf Andersson fête ses 71 ans. La première fois que j’ai pu l’observer, c’était au tournoi de Milan 1975. Il avait notamment remporté une superbe victoire contre le nouveau champion du monde qui venait d’être couronné sur le tapis vert, Anatoly Karpov. Une ouverture qui allait fortement contribuer à populariser le système défensif du « Hérisson », un milieu de partie entraînant une bataille positionnelle complexe, alimentée par un subtil sacrifice de la qualité, et qui tint le public en haleine. Vaincre Karpov à cette époque était un évènement et, malgré une défense héroïque, le nouveau champion du monde dut s’incliner au 80e coup. Une défaite marquante, la première pour Anatoly en tant que détenteur du titre mondial. Andersson avait aussi utilisé avec succès le « Hérisson » contre Portisch dans le même tournoi.

Ulf Andersson à Reykjavik en 1972

« Les parties d’Ulf sont longues. Ça commence par une ouverture tranquille, Ulf ne cherche pas l’adversaire, peu importe qui joue avec les pièces blanches. Après de longues manœuvres, l’adversaire se retrouve avec un pion faible, ou peut-être un mauvais Fou. Puis les Dames doivent être échangées et la partie ajournée. Les finales ne sont pas faciles à gagner, mais ça ne fait rien car Ulf aime jouer les fins de parties. Ce n’est pas toujours le cas pour l’adversaire, du moins lorsqu’il a une finale défavorable, donc inconsciemment il se suicide ou perd au temps vers le 70 ou 80e coup, à défaut de résister jusqu’au 100e coup. » GM Larsen

La popularité du GM Andersson c’est d’abord son côté « Magicien des finales ». Pourtant, si la réputation de grand stratège, de finaliste hors pair, du champion suédois était justifiée, il pouvait se montrer redoutable tacticien comme le montre cette miniature.

Comme beaucoup de joueurs au début de leur carrière, Andersson a vécu une courte période inspirée par les « Romantiques ».

Ulf Andersson « commente » en 2019

Lajos Portisch, Skopje 1972
Ulf Andersson

Ulf Andersson - Lajos Portisch, Olympiad-20 Final A Skopje (5), 01.10.1972.
Défense Sicilienne variante de Moscou [B51]

1.e4 c5 2.f3 d6 3.b5+

« Cette partie est l’une de celles qui ont contribué à rendre populaire la variante de Moscou. Elle a été pratiquée par des Maîtres venu de Moscou après la guerre. Son déroulement révèle qu’un fort joueur peut être vaincu par des coups simples. L’idée de base n’est pas seulement d’éviter les variantes d’ouverture compliquées et forcées, mais aussi de préparer l’édification d’un centre solide avec les poussées c2-c3 et d2-d4. »

3...c6 « Transpose dans la variante Rossolimo. »

« Il n’y a aucune objection pour les Noirs d’éviter le logique 3...d7 qui peut se voir opposé après 4.xd7+ xd7 5.c4 un étau Maroczy. L’avantage de l’échange des Fous de cases blanches est que les Blancs ne peuvent se retrouver avec un Fou piégé par ses propres pions par rapport à  l’étau Maroczy normal. »

4.0-0

« L’autre option était de briser la structure des pions noirs avec 4.xc6+ et ensuite d’adopter une stratégie de blocage de la position pour valoriser la paire de Cavaliers. » GM Yuri Razuvaev.

4...d7 5.e1 f6 6.c3 a6 7.f1

Ulf Andersson - Lajos Portisch, après 7.f1

« La meilleure suite et la plus logique. Le Fou ne gêne pas ses propres pièces, en particulier les Tours. »

« La variante de gambit 7.xc6 xc6 8.d4 xe4 9.g5 a apporté des problèmes aux Noirs dans les années 80, mais pas de nos jours car cette variante a été analysée en profondeur. »

7...e5

« Une autre méthode de lutte pour la case d4 était 7...g4 et la perte de temps ne compte pour pas grand-chose puisque la position a un caractère fermé. »

8.h3 h6?!

Curieusement en 2019 Andersson passe ce coup sous silence, alors que beaucoup de commentateurs (y compris Andersson dans l’Informateur 14) le jugeaient douteux, voir faible. [« Il semble que Portisch a planifié le grand roque et empêche le Cavalier de venir sur g5 pour attaquer f7, mais cela prend trop de temps. Un développement rapide avec 8...e7 était plus indiqué. » Tidskrift för Schack novembre 1972

9.d4 c7 10.a4

Ulf Andersson - Lajos Portisch, après 10.a4

Notez les similitudes avec le schéma principal de la partie Espagnole où le Fou de cases blanches se trouve sur c2 ou b3. Depuis f1 en corrélation avec la poussée a2-a4, le Fou accentue le contrôle de la case b5 si les Noirs veulent essayer de gagner du terrain sur l’aile Dame. Un inconvénient du Fou sur f1 est qu’il peut gêner la manœuvre classique de Steinitz du Cavalier via b1-d2-f1. Cependant, il  est possible d’installer un Cavalier sur c4. La forte ressemblance avec la partie Espagnole est l’une des raisons de la popularité de la variante de Moscou car elle montre la santé et la force positionnelle inhérente du système.

10...g6?

Le Fou est nécessaire sur e7 pour défendre la case vulnérable d6 et le pion c5. 10...e7 11.a3 0-0 12.dxc5 dxc5 13.c4 += Andersson dans l’Informateur.

11.a3

« Exploite immédiatement la faiblesse d6, si les Noirs envisagent de placer le Fou sur g7. »

11...g7 12.dxc5 dxc5 13.c4 b8

« Le naturel 13...0-0 n’allait pas après 14.d6! xd6 15.xd6 ab8 16.e3 et les Noirs perdent un pion après 16...b6 17.xa6 Comme je l’ai fait remarquer, le Fou blanc peut être extrêmement fort sur la diagonale a1-f6. »

Cette surprotection du pion b7 que le GM Razuvaev jugeait douteuse cède un tempo. Peut-être que Portisch n’avait considéré que 14.d6+?! e7 qui lui semblait inoffensif.

14.b4!

Ulf Andersson - Lajos Portisch, après 14.b4!

14...cxb4 15.cxb4

« La progression du pion vers b5 est une menace très sérieuse pour les Noirs. »

15...e6

« 15...xb4 16.d6+ e7 17.c4 conduit à un jeu gagnant pour les Blancs avec entre autres la menace 18.a3! » – Si 15...0-0 16.b5 axb5 17.axb5 e7 18.b6+-

16.d6+ e7 17.a3!

Ulf Andersson - Lajos Portisch, après 17.a3!

« À la manière des Maîtres du 19e siècle qui aimaient placer leur Fou sur la diagonale a3-f8 lorsque les Noirs étaient gênés ou empêchés de roquer du petit côté. Morphy a gagné d’innombrables parties de cette façon. »

17...e8

« Si 17...xd6 18.b5 b4 19.xd6+ xd6 20.xb4+ c7 21.ac1+ et le Roi noir n’a pas de refuge. »

18.xb7! xb7

« Si 18...xb7 19.b5+ d6 20.c1 et les Blancs gagnent. »

19.b5+ f6 20.bxc6 c7

« Après 20...xc6 21.xe5! suivi du mat en 5 coups 21...xe5 22.f4+ xf4 23.f3+ e5 24.g3+ f6 25.e5+ f5 26.g4# »

Ulf Andersson - Lajos Portisch, après 20...c7

21.xe5! 1-0

« Après la disparition du dernier rempart, le pion e5, les Noirs ont abandonné.  Si 21...xe5 c’est un mat en quatre, (21...xe5 perd également après 22.f3+ f5 23.exf5) 22.f4+ xf4 23.f3+ e5 24.c3+ f4 25.c1#

« Un constat agréable sur le plan esthétique, les diagonales f1-a6 et c1-h6, souvent sous-estimées, ont contribué à la victoire. Une idée positionnelle importante que Richard Réti (1889-1929) a révélé et exploité dans plusieurs parties à partir des années 1910 à 1920, parfois en retardant délibérément le développement des Fous voire même des deux Fous. »

Cette partie illustre le fait qu’Andersson n’avait rien à envier aux autres GM sur le plan tactique à ses débuts. Il abandonna rapidement l’ouverture du pion Roi pour des ouvertures plus positionnelles. Peu à peu, son style évolua pour empêcher l’adversaire d’obtenir des positions qui permettaient de s’exprimer en utilisant des moyens tactiques. Ulf deviendra un adepte du jeu prophylactique. Il est peut être celui qui, après Petrosian, réussira à s’imposer au plus haut niveau avec un jeu fondamentalement défensif.

En 1972 Ulf obtint le titre de Grands-Maître et s’affirmait comme le meilleur joueur venu de Suède depuis Gideon Stahlberg (1908-1967).

Gideon Stahlberg (1908-1967)

« Depuis un an, Ulf (qui signifie loup en suédois) a une liste impressionnante de victimes : Mecking, Hort, Korchnoi (2 victoires avec les Noirs !), Benko, Larsen, Donner, et son succès à Reykjavik où il a battu Olafsson et Stein, permet de s’interroger pour répondre à la question de savoir si la position sacro-sainte de Stahlberg comme plus fort GM suédois est maintenue. » GM Keene en 1972

Ulf obtint sa dernière norme au tournoi de Reykjavik joué en février, quelques mois avant le match du siècle en partageant la 4e place en compagnie du champion soviétique Leonid Stein. Il n’était distancé que d’un demi-point par un trio de GM de premier plan ; Olafsson, Hort et Gheorghiu.

Jusqu’au milieu des années 80, Ulf fut un habitué du « Top 10 ». A ses débuts, il n’avait pas encore forgé son style, jugé précautionneux, minimisant les risques pour valoriser des micro-avantages en finale. Ulf était certainement encore très influencé par Bobby Fischer comme le montre la partie suivante.

Leonid Stein venait de remporter le « Memorial Alekhine » en compagnie de Karpov devançant 4 champions du monde : Smyslov, Petrosian, Spassky et Tal !

Ulf Andersson
Leonid Stein, Reykjavik 1972

Ulf Andersson - Leonid Stein, Reykjavik International-05 02.1972.
Défense Sicilienne variante Sozin [B57]

1.e4 c5 2.f3 c6 3.d4 cxd4 4.xd4 f6 5.c3 d6 6.c4

La suite favorite de Bobby qu’il utilisera dans la 4e partie de son match contre Spassky.

6...b6 7.b3 e6 8.0-0 e7 9.e3 c7 10.f4 a6 11.d3 b5 12.a4 b4 13.b1 a5 14.1d2 0-0 15.e2

La nouveauté qui vise à s’opposer à l’échange du Fou de cases blanches qui peut survenir avec ….a6. Andersson s’écarte de la partie Olafsson-Stein jouée lors du mémorial Alekhine l’année précédente. La suite fut 15.h1 e5 16.f5 d5 17.f3 d8 avec des chances jugées égales.  Curieusement le coup de la partie est suggéré par Stein dans l’Informateur !

15...e5 16.f5 d5 17.g4!?

Initie une attaque quelque peu hasardeuse.

17...dxe4?!

Selon le GM Parma meilleur était 17…b7.

18.xe4 d5 19.f6!?

Ulf Andersson - Leonid Stein, après 19.f6!?

Un sacrifice de pion qui ouvre soudainement les lignes pour les pièces blanches et l’attaque n’est pas facile à parer.

19...gxf6

Si 19...xf6 20.xf6+ xf6 et ici :

21.xf6!? gxf6 22.f2 (22.h6?! d8 23.e4 est pointé par le GM Keene, mais après 23...xd3!? les chances des Noirs sont loin d’être inférieures.) 22...f5 (22...g7?? 23.h6++-) 23.h6 avec des complications incertaines.

21.g5 e7 (21...d8!?) 22.xh7+ xh7 23.h5+ g8 24.xf7! d7 (24...xf7? 25.g6+-) 25.xg7+ force un échec perpétuel.

20.h6 d8

Une position critique est survenue.

21.f3?! f4?

Faible était 21...xg4 22.g3 f5 23.xg4++-
Après la partie Stein a indiqué 21...h8! comme correct pour défendre avantageusement la position car si 22.xf6? xf6 23.xf6 xf6 24.e4 xd3-+
Intéressant 22.f2!? avec des chances d’attaque selon Blackstock dans la revue « Chess », mais après 22...g8 l’ouverture de la colonne « g » compense avantageusement la pression sur la colonne « f ».

22.xf4! xd3

Si 22...exf4 23.xf6+ xf6 24.e4 il faut donc restituer la pièce et la qualité pour éliminer le Fou de cases blanches. 24...f5 (24...xd3? 25.e8#) 25.xf5 xd3 26.xf6 e5 27.xe5 xe5 28.cxd3+- avec un Fou de plus.

23.cxd3 e6

La faiblesse de la 8e rangée ne permet pas 23...exf4 24.xf6+ h8 25.e4 et le mat est imparable.

24.xf6+ xf6 25.xf6 xb3 26.c1

Ulf Andersson - Leonid Stein, après 26.c1

Avec un avantage écrasant.

26...d5 27.f2 e8 28.c5

Le GM Parma indique 28.fxc6 xc6 29.f6 b6+ qui renverse la situation. C’est vrai après 30.f1?? g2+ gagne la Dame, mais le subtil 30.c5! xc5+ 31.f1 conserve un avantage gagnant.

28...e6 29.h4 h8 30.f2! Libère la case f6 pour la Dame. 1-0

Ulf Andersson - Leonid Stein, après 30.f2! 1-0

Si 30...e7 31.g5 xc5 32.f6+ g8 33.g5+ f8 34.g7#

« La plus délirante des croyances est que nous sommes capables de contrôler les conséquences résultant du chaos ». MI Lakdawala

C’est certainement confronté à cette réalité qu’Andersson chercha une méthode pour exercer un contrôle sur tout l’échiquier et éviter ainsi le chaos.

Durant les années 70, Andersson séjourna régulièrement à Cuba où il a joué des dizaines de tournois et des centaines de parties avec les joueurs cubains. L’un des plus prestigieux fut celui de Camaguey 1974 où il devançait les GM soviétiques Gufeld et Vassioukov. Je me souviens que lors du tournoi interzonal de Bienne en 1976, Ulf était accompagné de Lourdes, sa jolie épouse cubaine !

Cette même année, Ulf Andersson reçut de l’Etat suédois un prix plutôt réservé aux personnalités du monde des arts et il fut le seul joueur d’échecs à l’obtenir. Une rente à vie conséquente qui lui apporta la sécurité matérielle et, selon certains, lui enleva la motivation nécessaire pour se battre sur l’échiquier et devenir candidat au titre mondial. Ulf supportait très difficilement la défaite et son jeu se solidifia.

« Je n’aime pas perdre, mais je n’ai pas peur de gagner ! » GM Andersson

Les parties nulles se multiplièrent, mais sa précision dans le traitement des finales lui procura des victoires qui lui permettaient de se maintenir au plus haut niveau.

« J'ai parfois gagné des positions dans lesquelles tout le monde s'accorderait pour une nulle ou, du moins, croirait qu'il y avait une nulle. Cela signifie seulement que même dans les positions faciles, vous devez faire attention tout le temps. C'est un autre type de position. Il faut toujours être très vigilant. Si vous entrez dans des complications, il est souvent très facile de jouer car il y a beaucoup de coups forcés et n'importe qui peut trouver ces seuls coups. Mais s’il y a plusieurs coups, alors c'est à vous de décider, selon votre goût. Quand il y a beaucoup de variantes, on perd beaucoup de temps. Laquelle choisir ? Et peut-être quelque part vous allez faire une erreur. » GM Andersson

Mikhaïl Tal et Ulf Andersson à Milan en 1975

Sa réputation de spécialiste des finales avait même convaincu les joueurs soviétiques.

« …Et alors ? » ai-je demandé à Petrosian lorsque nous analysions une fin de partie où l'avantage des Blancs était complètement insignifiant.

« Et bien, tu vas voir Andersson. Ulf t'expliquera tout !  m'a conseillé Petrosian.

Un beau compliment pour l'exploitation précise d'avantages à peine perceptibles par le Suédois. » GM Sosonko

A Bienne en 1990 Andersson obtint une excellente 2e place, invaincu, avec +2. Je me souviens que le GM Polugaievsky était aussi très affecté après sa défaite, voire même irrité.

« Andersson veut contrôler toutes les cases ! » Mais il ajouta : « Nous n’avons pas un tel joueur en Union soviétique. »

Dans ce double-ronde, la frustration fut avivée lorsque Polou ne réussit pas à s’imposer dans une finale de Tours avec un pion de plus.

Le GM Niels Grandelius rapporta l’anecdote suivante :
Son père, ingénieur en aéronautique, était obsédé par l’idée de commettre une faute dans son travail aux conséquences irréparables pouvant entraîner la chute d’un avion. Pour Ulf c’est l’idée de commettre une erreur qui entraînait la perte de la partie qui l’obsédait. Selon la légendaire Pia Cramling, 5 victoires ne compensaient pas l’amertume et la souffrance d’une seule défaite.

« Toutes mes défaites sont amères. C'est normal de souffrir quand ça va mal ! Ceci n'est pas nouveau, je crois. Je suppose que tous les joueurs souffrent quand ils perdent. Je suppose que lorsque vous mettez toute votre énergie, votre cœur, dans quelque chose et que cela ne se passe pas comme vous le souhaitez, vous souffrez. » GM Andersson

En 1983 Andersson fut à son apogée avec un classement à plus de 2630. Il disputa un match en 6 parties contre l’ex-champion du monde Tal, pour la place de « réserviste » du prochain tournoi des candidats, qui se termina avec un score égal (-1 =4 +1). Peu après, il remporta le très fort tournoi de Wijk aan Zee devant une pléiade de GM, Ribli, Browne, Hort etc.

Ulf Andersson et Boris Spassky

À partir de la fin des années 80, il se retira peu à peu des échecs de haut niveau pour se consacrer au jeu par correspondance qui a l’avantage d’offrir moins de pression sur le plan psychologique. Andersson obtint le titre de GM en 1996 dans cette discipline.

Dans une récente interview Ulf était dubitatif sur les possibilités de populariser le jeu :
« Pourquoi les échecs seraient-ils aussi populaires que le football ou le tennis ? C'est comme ça ! Juste pour se rendre compte du fait. J'aime beaucoup le sport. Je préfère regarder les sports, plutôt que les échecs, quand il y a des échecs à la télé. Je préfère regarder un match où jouent Barcelone, le Real Madrid, Manchester ou Chelsea, que regarder une partie d'échecs. Je regarderais une partie d'échecs par intérêt professionnel, pas pour le plaisir ! » GM Andersson

Lors d’une de mes dernières rencontres au « Youngmasters » à Lausanne, Ulf semblait dans l’incapacité de supporter la défaite. Durant l’Open, après avoir bien débuté , il se fit porter pâle pour éviter les rencontres avec les meilleurs joueurs. Il ne supportait plus la pression de la compétition.

Une légende des échecs de la 2e moitié du 20 siècle participait à L’Open, le GM Ulf Andersson, l’un des meilleurs joueurs des années 80. Interview du 18 septembre 2006 :

Georges Bertola : La première fois que je vous ai rencontré était lors du prestigieux tournoi de Milan 1975, vous aviez alors battu Karpov.

Ulf Andersson : Oui, c’est un de mes bons souvenirs. C’était la première défaite de Karpov comme champion du monde!

GB: Quel a été votre meilleur classement mondial?

UA: En 1982 ou 83, j’étais classé 4e mondial derrière des joueurs comme Karpov, Kortchnoï et Ljubojevic.

GB: C’est un plaisir de voir un champion de votre calibre jouer l’Open de Lausanne. Qu’est-ce qui vous motive pour participer à un tel tournoi?

UA: J’ai joué occasionnellement dans les Opens. J’essaye de m’habituer à cette forme de compétition avec les nouvelles cadences car j’ai relativement peu joué ces dix dernières années.

GB: J’ai observé que vous étiez un spectateur assidu lors du tournoi des GM de Bienne cette année. Pourquoi n’avez-vous pas joué?

UA: J’ai participé au tournoi rapide, mais dès le deuxième jour la pression était trop forte sur le plan nerveux. Pour cette raison, j’ai renoncé d’y participer afin de me consacrer à la préparation d’un tournoi qui se jouait mi-août à Amsterdam opposant les vétérans aux meilleurs juniors.

GB: Quelques jeunes Grands Maîtres m’ont confié que vous jouiez comme un forcené au blitz sur le Net. Est-ce toujours le cas?

UA: Non, j’ai quasiment arrêté car c’était devenu une drogue. Et le fait de jouer des parties à une minute n’a rien à voir avec le jeu d’échecs. Au début de ma carrière, entre 1970 et 1992, je m’interdisais de jouer au blitz.

GB: Que peuvent apporter des parties à 1 minute?

UA: Rien, c’est complètement absurde.

GB: Vous êtes aussi l’un des rares GM à vous être adonné à la correspondance au plus haut niveau, ce qui peut sembler paradoxal?

UA: J’ai joué pendant 8 à 9 ans, mais j’ai arrêté il y a 3 ans. J’aimais bien analyser sans avoir de la pression, en buvant mon café sur une terrasse !

GB: Quelle est la cadence idéale pour jouer aux échecs?

UA: Pour ma part, j’aime les cadences lentes, 40 coups 2 heures, puis 20 coups à l’heure même si la partie doit durer 10 heures. J’aimais bien les ajournements des parties d’autrefois.

GB: Je me souviens que lors de l’Interzonal de 1976, l’Argentin Sanguinetti s’était plaint d’avoir dû jouer deux tournois. Celui qui l’a opposé à l’ensemble des participants et celui qui l’avait opposé à Andersson, une partie de 100 coups ajournée a plusieurs reprises.

UA (avec un large sourire): J’ai eu une partie similaire contre Oscar Castro dans ce même tournoi !

GB: Qu’est ce qui a changé aux échecs?

UA: Les cadences, tout va plus vite…

GB: Et les ordinateurs ?

UA: En ce qui me concerne, j’aime analyser pour comprendre, non seulement pour avoir de l’information.

GB: Que représente le match Topalov-Kramnik qui va débuter à Elista?

UA: Ce n’est pas un championnat du monde officiel. Le champion du monde, selon moi, c’est Topalov.

Deux légendes des échecs suédois : Pia Cramling et Ulf Andersson

« Je tiens à remercier Gérard Demuydt pour la mise en ligne de mes articles et tous les lecteurs de leur soutien. » Georges Bertola

Andersson vs Portisch et Andersson vs Stein, 1972