En bref
Comment faire le roque ?
Ce coup spécial est le seul qui permet de déplacer deux pièces en un seul tour de jeu. Le roi se déplace de deux cases vers la tour, qui passe par-dessus le roi et se place à côté de lui.
Il existe deux roques possibles : le petit roque, et le grand roque.
Le petit roque
Dans la position de gauche, les blancs peuvent déplacer leur roi de deux cases vers la droite, et faire passer leur tour à côté du roi, de deux cases vers la gauche. En un seul coup, le petit roque permet d’obtenir la position de droite.
Les noirs peuvent faire de même à leur tour de jeu : le roi noir va sur la case g8, et la tour noire sur la case f8.
Le grand roque
Les blancs peuvent aussi faire le grand roque, qui s’effectue de l’autre côté de l’échiquier. Le roi blanc se déplace de deux cases vers la gauche, et la tour noire bascule à côté du roi blanc (voir la position de droite).
Avec le grand roque, la tour se déplace de trois cases, et non pas de deux cases comme avec le petit roque.
Les noirs peuvent eux aussi effectuer le grand roque à leur tour de jeu, en plaçant le roi noir sur la case c8, et la tour noire sur la case d8.
Les conditions pour faire le roque
Le roque n’est pas possible dans toutes les situations, il nécessite de réunir cinq conditions :
1. Le roi ne doit pas encore avoir bougé.
Un seul mouvement du roi vous fait perdre le droit de roquer.
Dans cette position, le roi blanc a quitté sa case de départ. Même s’il revient sur sa case d’origine, il ne pourra pas faire le roque. Tout déplacement du roi fait perdre définitivement ce droit.
2. La tour qui effectue le roque ne doit pas avoir bougé lors de la partie.
Par exemple, si la tour à droite du roi blanc s’est déplacée, il ne vous reste plus que le grand roque à disposition.
Dans cette position, la tour à gauche du roi blanc ayant bougé, le grand roque est désormais impossible, même si la tour revenait à sa position de départ. Par contre, les blancs peuvent effectuer le petit roque.
3. Le roi ne doit pas être en échec.
Le roque ne permet donc pas de parer un échec.
Dans cette position, le roi blanc ne peut pas roquer, car il est mis en échec par le fou noir. Il faut d’abord parer l’échec, par exemple en poussant le pion, et seulement ensuite faire le roque.
4. Aucune pièce ne doit se trouver entre le roi et la tour qui effectuent le roque.
Ici, les blancs ne peuvent pas faire le petit roque à cause du fou placé entre le roi et la tour.
De même, le grand roque n’est pas possible à cause du cavalier, même si le roi et la tour n’arriveraient pas sur la case du cavalier.
Pour roquer, les blancs doivent donc d'abord déplacer leur cavalier ou leur fou.
5. Le roi ne doit pas passer par une case où il serait en échec lors du roque, ou terminer le roque sur une case où il est en échec.
Dans cette position, les blancs ne peuvent faire ni le petit roque, ni le grand roque. À cause des fous noirs, le roi blanc serait en échec soit pendant le roque, soit sur sa case d’arrivée.
Un cas étonnant : les blancs peuvent faire le grand roque, malgré le fou noir menaçant. En effet, le fou attaque une case sur laquelle le roi blanc ne passe pas.
Le grand roque est donc autorisé !
Anecdote : même les maîtres oublient parfois les règles du roque !
Le grand maître ukrainien Pavel Eljanov, lors d'une partie contre David Navara, a expliqué : « J'ai envisagé pendant environ 10 minutes d'effectuer le grand-roque, avant de me rendre compte que la case d1 était contrôlée par une pièce adverse. » De quoi vous décomplexer si vous trouvez cette règle compliquée !
Bien roquer aux échecs, pas si simple !
Le roque commence toujours par le roi
Le roque mobilise deux pièces : le roi et la tour. Quelle pièce devez-vous déplacer en premier ? Cette question peut sembler anecdotique, mais elle a de grandes conséquences si vous jouez en compétition.
En effet, aux échecs s’applique la règle “pièce touchée, pièce jouée”. Cela signifie que vous devez impérativement jouer une pièce que vous avez touché.
Pour roquer, vous devez obligatoirement commencer par jouer votre roi. Si vous touchez votre tour en premier, vous devrez la déplacer, sans avoir la possibilité de faire le roque !
Comment roquer sur Internet ?
Sur Internet, le roque commence par le roi, que vous déplacez de deux cases. Déposez-le sur sa case d’arrivée, et le roque s’effectuera automatiquement à l’écran.
Par contre, si vous déplacez la tour sur la case finale du roque, le site internet ne comprendra pas que vous souhaitez roquer !
Le roque en Chess 960
Les échecs 960, ou Fischer Random Chess, sont une variante des échecs classiques dans laquelle la position initiale des pièces est tirée au sort.
En Chess 960, les conditions pour roquer sont les mêmes qu’aux échecs classiques :
- Toutes les cases se situant entre le Roi et la Tour doivent être vides.
- Ni le Roi ni la Tour ne doivent avoir préalablement quitté leur case initiale.
- Le Roi ne doit pas être en échec au moment du roque ni après.
- Le Roi ne doit pas « passer sous un échec » en effectuant le roque.
Surtout, les positions du Roi et de la Tour après le roque sont exactement les mêmes que celles du roque des échecs classiques. L'emplacement de départ n'a aucune importance.
Nos conseils stratégiques sur le thème du roque
Roquez tôt pour protéger votre roi
Il est essentiel de roquer tôt dans la partie, pour trois raisons :
- Pour abriter votre roi, car au centre de l’échiquier, il est très vulnérable.
- Pour jouer deux pièces en un seul coup, ce qui permet de gagner du temps.
- Pour faire entrer en jeu une tour au centre de l’échiquier, où les colonnes sont souvent ouvertes.
Faut-il faire le petit roque ou le grand roque ?
Il est généralement plus facile de faire le petit roque, car deux pièces seulement sont à déplacer pour libérer l’espace entre le roi et la tour, contre trois pièces pour le grand roque. Comme il est conseillé de roquer rapidement dans la partie, ce choix est dans la grande majorité des cas le bon. D’ailleurs, le petit roque est bien plus fréquent dans les parties de maîtres.
Faut-il toujours roquer ?
« Roquez parce que vous le voulez ou parce que vous le devez, mais pas parce que vous le pouvez. »
Harry Nelson Pillsbury
Roquer ne doit pas être un automatisme. Demandez-vous toujours si ce coup permet bien d'atteindre son principal objectif, c'est-à-dire protéger votre roi.
Ne roquez pas “côté cimetière” : le but du roque est de protéger votre roi. Si vos pions ont déjà bougé à l’aile-roi, le roque perd toute son utilité.
Dans cet exemple, les blancs ont tout intérêt à déplacer leur dame pour préparer le grand roque, et ainsi offrir un abri digne de ce nom à leur roi. Faire le petit roque n’apportera aucune sécurité, bien au contraire…
Ne déplacez pas les pions de votre roque
De ce conseil découle une autre recommandation : n’affaiblissez pas votre roque ! Évitez d’avancer les pions du roque, qui forment la protection de votre roi.
Vous pouvez cependant avancer le pion h d’une case si vous avez fait le petit roque, pour offrir une case de fuite à votre roi et éviter ainsi le mat du couloir. Dans cette vidéo, Hélène Ruhlmann vous présente ce thème classique.
Déroquez votre adversaire
Si l’opportunité se présente, déroquez votre adversaire, c’est-à-dire enlevez-lui la possibilité de faire le roque. Ainsi, son roi devra rester au centre et deviendra très vulnérable.
Dans cette position, les blancs peuvent faire échec avec leur fou, et la seule solution pour les noirs est de déplacer leur roi, qui perd le droit de roquer. Les blancs prennent ainsi un bel avantage !
Comment attaquer le roque adverse ?
Si le roque offre une protection au roi, il reste possible de mener des attaques et de tenter de le mater.
Si votre adversaire a avancé le pion du cavalier devant son roi, pensez au mat de Lolli, qui exploite le roque avec un fianchetto qui donne à l’attaquant des chances de gagner. Hélène Ruhlmann vous le présente dans cette vidéo.
Si votre adversaire a déplacé le pion de la tour, le fameux sacrifice fou prend h6 devient possible pour mater le roi adverse. Hélène Ruhlmann vous donne le mode d’emploi en vidéo.
Les roques opposés
« Dans les positions avec des roques opposés il ne faut pas rechercher le gain matériel, sinon débuter son attaque le plus rapidement possible. »
Mark Dvoretsky
Si les deux joueurs ont roqué d’un côté opposé de l’échiquier, alors la lutte devient violente et brutale !
Chaque joueur peut en effet lancer ses pions à l’assaut du roque adversaire, sans affaiblir la protection de son monarque.
Le facteur clef devient la vitesse, les pions doivent avancer rapidement, et le premier arrivé sort souvent vainqueur.
Comment noter le roque sur votre feuille de partie ?
Le petit roque est noté 0-0, le grand roque s’écrit 0-0-0
Une hypothèse pour en expliquer la raison serait que les zéros indique le nombre de cases inoccupées entre le Roi et la Tour avant le roque.
Quand a été inventé le roque ?
Au départ, le roque n’existait pas aux échecs. Son ajout résulte d’une histoire passionnante :
“Dans les pays occidentaux, la Reine ou la dame remplace le Vizir dès le Xe siècle. Néanmoins, à cette époque, la Reine n’est pas encore la pièce la plus puissante du jeu d’échecs, c’est même la plus faible. Au Xe siècle, elle se déplace uniquement d’une case à la fois et en diagonale. Une évolution survient au XVe siècle. Elle coïncide avec la réunification de l’Espagne, le renforcement de son pouvoir et surtout la prise de pouvoir en Europe d’une femme, Isabelle Ire de Castille (1451-1504). Sous son impulsion, cette reine fait de la reine la pièce la plus puissante du jeu. Elle devient ainsi libre de se déplacer d’autant de cases qu’elle le souhaite et dans tous les axes (horizontal, vertical, diagonal). Et comme les échecs sont par principe globaux, le changement de règle va progressivement être adopté par tous.” (Livre Un coup d’avance)
La dame étant dotée d’une force démultipliée, elle devient capable de mener des attaques dévastatrices. Pour redonner au roi une chance d’échapper à une mort rapide, le roque est introduit !
S’en suit une querelle racontée par l’historien du jeu d’échecs Georges Bertola :
"Une querelle opposa le roque « restreint » à la française, soit le roi se déplaçant de deux cases et la tour sur f1 ou d1 par rapport au roque « libre » à l’italienne qui permettait pas moins de 16 permutations différentes en occupant n’importe quel case soit par exemple du petit côté « Rh1, Tg1 », « Rh1, Tf1 », « Rh1, Te1 », « Rg1, Tf1 », « Rg1,Te1 », « Rf1,Te1 ».
Serafino Dubois alimentera le débat avec son ouvrage publié en 1845 « Les principales ouvertures du jeu d’échecs dans les deux manières italienne et française. »
Dubois constatait que, depuis l’Anonyme de Modène, presque tous les ouvrages importants avaient été publiés hors d’Italie, et qu’ils avaient adopté la manière uniforme de roquer (à la française)"
Une histoire à découvrir sur https://www.europe-echecs.com/art/1856-la-regence-2-6339.html
Anecdote : Sultan Khan, le champion qui ne savait pas roquer
“Serviteur d’un Maharaja du Pendjab, Sultan Khan a battu Capablanca en personne mais aussi Frank Marshall ou Tartakover. Il annulé avec Alekhine, le champion du monde en titre, et avec Max Euwe, le futur champion du monde, sans jamais avoir appris la moindre ouverture, sans rien connaître de l’histoire des échecs ou des styles de ses adversaires et même, la plupart du temps... sans roquer !
Dès sa première participation il remporte, à la surprise générale, le championnat de Grande-Bretagne 1929 (il le gagnera encore en 1932 et 1933). Comme le roque n’existe pas dans les échecs indiens, il joua de nombreuses parties sans roquer.”
Découvrez son incroyable histoire : https://www.europe-echecs.com/art/mir-sultan-khan-et-miss-fatima-8165.html
Bonus
Les blancs jouent et font échec et mat en un coup, comment ?
La solution est simple : le grand roque ! Ce cas de figure est très rare en partie mais ne manque pas d’élégance.